L’exigence de démontrer « l’intention de nuire à l’employeur » rend périlleuse toute intention d’engager une procédure de licenciement contre un salarié, malgré le fait qu’une entreprise ait gravement subi les actions de ce dernier.
Quelle décision prendre vis-à-vis d’un salarié qui fait perdre à son entreprise plusieurs milliers d’euros et en ternit irrémédiablement l’image et la réputation ? La réponse immédiate serait un licenciement pour faute lourde. Cependant, en l’état actuel de notre droit, le fait de démontrer de manière convaincante la volonté du salarié de nuire à l’employeur est une mission presque impossible.
Quelle est la différence entre « faute grave » et « faute lourde » ?
Le salarié qui se rend coupable de faits d’une gravité telle que son maintien dans l’entreprise devient impossible, peut être licencié pour faute grave. C’est le cas notamment d’actes d’insubordination, d’insultes vis-à-vis de la hiérarchie, d’absences injustifiées ou encore de la déloyauté envers l’entreprise. Il faut savoir que le licenciement pour faute grave entraîne la rupture immédiate du contrat de travail, sans préavis, ni indemnité de licenciement.
La catégorie supérieure dans l’échelle des sanctions disciplinaires est la faute lourde. Il s’agit d’une faute grave, doublée de l’intention de nuire à l’employeur. La preuve des faits constitutifs de faute lourde incombe à l’employeur exclusivement. Si ce dernier parvient à convaincre les juges du bien-fondé de cette qualification, le salarié pourra être condamné à des dommages-intérêts au profit de l’employeur, en réparation du dommage qu’il a causé. Il faut savoir que la condamnation pénale ne suffit pas pour caractériser la faute lourde.
L’intention de nuire du salarié : une preuve impossible ?
Depuis plusieurs années déjà, la tendance jurisprudentielle est de limiter autant que possible la qualification de « faute lourde » et donc la possibilité d’engager la responsabilité civile du salarié. Ainsi, selon les juges, le seul fait de commettre une faute volontaire n’est pas suffisant pour caractériser une faute lourde, sans que soit caractérisée l’intention de nuire. De même, le fait de commettre des actes d’une particulière gravité et de façon répétée ne caractérisent pas automatiquement la faute lourde. Celle-ci sera reconnue seulement dans le cas où l’employeur parvient à caractériser la volonté du salarié de lui porter préjudice.
Or, comment faire une telle démonstration, lorsque même une condamnation définitive du salarié par le juge pénal pour faux et usage de faux abus et abus de confiance ne suffisent pas, selon la Cour de cassation, à caractériser l’intention de nuire du salarié ? Le fait de caractériser par des preuves incontestables la volonté du salarié de porter préjudice à son employeur semble relever de la gageure, sachant que les moyens d’investigation à la disposition de l’employeur se heurtent très vite à l’exigence du respect de la vie privée du salarié.
Sauf dans le cas d’un revirement de jurisprudence, il semblerait que dorénavant, les cas où la faute lourde sera reconnue par les tribunaux civils seront anecdotiques. Cette qualification a d’ailleurs perdu une grande partie de son intérêt, dans la mesure où désormais, la faute lourde n’est plus privative de l’indemnité compensatrice de congés payés. En réponse à ces agissements constitutifs d’infractions pénales (abus de biens sociaux, vol, abus de confiance…), l’employeur devra, dans l’immense majorité des cas, licencier le salarié pour faute grave et rechercher éventuellement la responsabilité du salarié devant le juge pénal.